Texte de Christiane Laforge

lu à la présentation de Yvon Paré

au Gala de l'Ordre du Bleuet, le 18 juin 2011


« Comment abandonner les écrivains, mes amis, mes frères, mes tricoteurs de voyages et de rêves? » demande Yvon Paré dans sa lettre d’adieu comme journaliste, en janvier 2006. « Comment renoncer à lire ses analyses littéraires? », pensent surtout ses lecteurs qui se réjouissent de retrouver, chaque dimanche, cette étreinte verbale passionnée qu’il manifeste pour les livres.


Le verbe généreux, puissant et poétique, Yvon Paré enlace les mots depuis si longtemps qu’il en pétrit toute son existence. Né en 1946 à La Doré, petite localité située à l’extrême ouest du Lac-Saint-Jean, Yvon se nourrit du chant de la rivière Ashuapmushuan, frontière d’une réserve faunique menant jusqu’à Chibougamau. Fils et frère de bûcherons, il abattra lui-même sa part de forêt, comme pour ne pas trahir sa race, même si le petit garçon qui lisait en secret pour ramener dans la bonne direction son œil rebelle revendique le droit à la littérature. Bachelier en études françaises de l’Université de Montréal en 1966, il pénètre l’univers des grands auteurs, apprivoise sa propre écriture, se frayant un chemin à l’image du bûcheron explorant un nouveau territoire. « Je dansais au milieu des lettres, sorte de Zorba fier de la force de ses bras, capable d’empoigner toutes les images du monde et de hurler. Comment écrire un poème après avoir lu Paul Éluard? », relate-t-il dans son livre « Souffleur de mots ». L’écrivain naît dans la douleur : le prix à payer quand les mots plongent dans le vif de souvenirs réels, quand l’esprit aspire à une vérité absolue de l’essence de l’âme tourmentée par la vie, la mort, l’amour. Le poète Gilbert Langevin a ouvert la première plaie en expédiant, sans lui dire, son recueil de poèmes, L’Octobre des Indiens, à Victor-Lévy Beaulieu, alors directeur littéraire des Éditions du Jour. Yvon a 24 ans. Avec Gilbert Langevin pour guide, il croise les Claude Gauvreau, Gaston Miron, Emmanuel Cocke, Claude Péloquin, tandis qu’au village il abat les arbres comme preuve ne pas être « qu’un pousseux de crayon ». Il publie Anna-Belle, bûche avec peine sur Le Violoneux, dévore livre après livre, « comme un halluciné » dit-il, dans une grande maison isolée qu’il surnomme « la maison d’empêchement » à force de silence.


Le hasard s’empare de son avenir. Guy-Marc Fournier, romancier et correspondant au journal Le Quotidien, troque sa place contre la sienne. Yvon s’en empare avec cette fougue qui le caractérise. Directeur de la section des affaires culturelles et sociales de 1975 à 1981, adjoint au chef de pupitre du Quotidien et du Progrès-Dimanche jusqu’en 2004, Yvon fait un retour dynamisant aux Arts jusqu’à sa retraite en janvier 2006. L’obligation d’écrire fouette son talent indéniable, reconnu par plusieurs prix littéraires. Le journaliste propulse l’écrivain. Au fil du temps, il publie Le Violoneux, La mort d’Alexandre, Les oiseaux de glaces, Les plus belles années, Le Réflexe d’Adam, suivi de Un été en Provence, Le tour du Lac en 21 jours, Le Bonheur est dans le Fjord, trois titres qu’il partage avec la dame de sa vie, Danielle Dubé. Ensemble, ils ont écrit la fresque musicale historique, « Le rêve de Marguerite », créée en 1997, lors des commémorations du 150e anniversaire de Jonquière.


Mener de front une double carrière de journaliste et d’écrivain ne suffit pas à cet homme d’action. Après 15 ans au conseil d’administration du Salon du Livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean, il en devient président de 1993 à 1996. Cofondateur de l’Association professionnelle des écrivains de la Sagamie, il en assume la direction pendant plusieurs années. Président d'honneur des Rendez-Vous stratégiques de la culture en 2007, parrain d’honneur du Festival des contes et légendes de Dolbeau-Mistassini en 2006, Yvon est un conteur apprécié, un conférencier sollicité. Chroniqueur à la radio, collaborateur pour plusieurs magazines littéraires, il est celui qui empêche le silence d’avaler notre littérature. Le geste ample, ce géant des mots occupe toutes les tribunes qu’il peut pour défendre les auteurs du Québec, les écrivains de sa région. Il sait combien l’ignorance tue, sans discernement pour le talent. Et si le Progrès-Dimanche consacre une page hebdomadaire aux livres, seul journal régional à le faire, c’est bien grâce au travail de cet infatigable homme de lettres, pourfendeur des fossoyeurs de nos écrivains.


Le 18 juin 2011

Yvon Paré


Pour la qualité exceptionnelle de ses écrits

Grand défenseur de notre littérature


fut reçu membre de L’Ordre du Bleuet


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mercredi 24 août 2011

Yvon Paré sur vidéo au Gala 2011

Quelques minutes pour se souvenir d'un grand moment

Gala 2011 de l'Ordre du Bleuet
Yvon Paré
© Société de l’Ordre du Bleuet et Ariel Laforge